Revue de Presse Française

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Lynchland
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Revue de Presse Française

Post by Lynchland »

Le dernier épisode de Twin Peaks rend un hommage radical à 2001, l'Odyssée de l'espace (Frederic Foubert / Première)
En 1990, la première saison de Twin Peaks ouvrait une brèche. La poésie, les décrochages oniriques et le beau bizarre avaient soudain droit au prime time. On connaît la suite : David Chase, Alan Ball et Damon Lindelof (entre autres) ont reçu le message cinq sur cinq, et on peut tout se permettre aujourd’hui à la télé US. Tout ? Vraiment tout ? On réalise seulement aujourd’hui qu’avant que Lynch ne revienne aux affaires en réactivant sa série-monde, on n’avait en réalité encore jamais vu de show aussi puissamment expérimental (John From Cincinnati et Legion sont de la rigolade à côté), un fix hebdomadaire qui ferait le pari d’envoyer la narration ciné et télé traditionnelle fureter ailleurs, aux confins du medium, du côté des arts plastiques et de l’abstraction pure.

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L’affolante ouverture de l’épisode 3 (avec Cooper, la femme aux yeux fermés et le fantôme du Major Briggs flottant au milieu des étoiles) ne faisait en fait que semer des graines pour le déchaînement de visions de l’épisode 8. Ici, c’est le concept même de Twin Peaks qui semble voler en éclats. L’univers du show ne s’étend plus seulement sur tout le territoire américain (comme le montrait les scènes à New York, Las Vegas ou dans le Dakota des précédents épisodes) mais également dans le temps, et un espace infini. C’est une cosmogonie sans limites apparentes.
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Roland K. / Lynchland
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Jaiuneâmesolitaire
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Re: Revue de Presse Française

Post by Jaiuneâmesolitaire »

Je profite de la double aubaine que m'offre ce sujet: l'usage de la langue française et le fait que l'épisode 8 ait renvoyé le critique à une autre œuvre, sentiment que je n'ai d'ailleurs pas partagé puisque je n'ai pas une seule fois pensé à 2001 pour ma part en visionnant la dernière partie en date.

Non, ce n'est pas à un chef-d'œuvre cinématographique que j'ai pensé, mais à un dessin animé de mon enfance, très probablement tout à fait inconnu de Lynch: Clémentine.
L'apparition de Malmoth/Bob sous forme d'élément feu, l'âme de Laura dans sa bulle (pas bleue, certes), des voyages dans le temps et le "grouillant" à la fin.

Aucune théorie ici bien évidemment, juste un ressenti, une madeleine de Proust. Une connexion complètement inattendue. D'autant que jamais auparavant dans les saisons 1 et 2 je n'avais établi ce "lien" très personnel et sûrement capillotracté pour tout autre que moi.

Ainsi cet épisode 8, par son abstraction et son onirisme (les cauchemars sont bien des rêves, n'est-ce pas?) a l'incroyable capacité de parler à chacun d'entre nous il me semble, ou pas du tout si j'en crois certaines réactions qui estiment que c'est tout simplement du "foutage de gueule".

Un grand merci Mr Lynch pour ce magique foutage de gueule donc, si seulement on pouvait toujours se foutre du monde de la même façon!
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Lynchland
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Re: Revue de Presse Française

Post by Lynchland »

Plongées dans la Matière Temps (Julien Marsa / Critikat)
Cette saison 3 ne fait aucune concession au spectateur : Lynch ne s’embarrasse pas avec des rappels de l’intrigue, que ce soit au début ou en cours d’épisode, et peut faire disparaître certains personnages pendant plusieurs heures de programme sans prendre la peine de les réintroduire clairement ensuite. Il ne cherche pas particulièrement non plus, c’est le moins que l’on puisse dire, à s’enfermer dans une logique de projection narrative ou de connivence, qui permettrait au public d’anticiper la teneur des épisodes à suivre, et par là-même de le fidéliser. Il peut tout à fait, comme dans l’épisode huit, commencer par reprendre le fil de l’intrigue là où il l’avait laissé, avant de dériver vers des collisions temporelles absolument stupéfiantes. Enfin, et ce n’est pas la moindre des qualités de cette nouvelle saison, la lenteur du rythme narratif adopté va à l’encontre de la logique télévisuelle du cliffhanger, formaté pour tenir le spectateur en haleine entre deux pages de publicité. [...]

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Ce que Lynch opère ici dans le champ sériel consiste à prendre en compte le paramètre de la durée, et à ouvrir la narration pour inviter le public à plonger au plus profond d’elle. À laisser au vestiaire notre maîtrise de spectateur aguerri au ronron habituel de la succession des épisodes, à lâcher prise, à perdre pied. En ce sens, Lynch respecte éminemment le concept de série, en la mettant en œuvre dans sa globalité (lui-même dit que cette saison constitue un film de 18h) et non en tranches destinées à être avalées sous forme de doses par le spectateur. La durée permet ici de déborder le cadre originel de la série (la ville de Twin Peaks) et même de s’aventurer par-delà les époques (un saut en 1945, puis en 1956, dans l’épisode huit), en une dilatation géographique et temporelle ouvrant à un monde incroyablement riche en trajectoires et personnages.
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Roland K. / Lynchland
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Ludolynch
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Re: Revue de Presse Française

Post by Ludolynch »

Je vais aussi profiter de ce "sujet en français" pour donner quelques impressions / réflexions sur cet épisode 8 déjà célèbre...

Lynch a bien réussi à rendre le double aspect (magnifique et terrifiant) de l'explosion atomique, en commençant par en faire un spectacle assez lointain et en évolution lente, puis en faisant bien comprendre qu'on allait se retrouver dedans. Il a ensuite fait en sorte qu'on soit étonné par le spectacle à l'intérieur du champignon : c'est un mixage expérimental / réaliste qui rappelle ses premiers courts-métrages. Une belle façon de représenter un certain enfer, en tout cas.

Pour ceux qui pensent "The Tree of Life" et à la création de l'univers, il faut quand même noter que Malick n'a en réalité pas montré l'époque la plus ancienne de l'univers (juste après le Big Bang), pour la bonne raison qu'à cette époque, la matière avait une densité bien trop grande pour que la lumière (les photons) puissent circuler. L'univers est resté opaque pendant très longtemps, jusqu'à l'émission du fameux "rayonnement fossile", environ 380 000 ans après l'époque du Big Bang. Et celui-ci n'avait rien d'une explosion au sens "normal", en plus. Bref, aucun rapport avec ce qu'on pourrait voir dans un champignon atomique...

A propos du test Trinity comme événement déclencheur, qui a créé ou libéré Bob et les puissances de la Loge Noire : je trouve cette idée excellente, elle rejoint d'ailleurs ce que disait Albert dans la saison 2 ("Bob n'est peut-être que la manifestation du mal commis par les hommes"). Cette explosion nucléaire a bien été un tournant dans l'Histoire : ce n'était pas juste une dispersion de matière et d'énergie, mais l'annihilation de la STRUCTURE de la matière. Mais tout de même : le pire n'a pas été de tester la bombe et de constater qu'elle fonctionnait, cela a été de faire tomber deux bombes sur le Japon. L'une des pires atrocités commises par l'humanité dans toute son histoire... N'est-ce pas à ce moment-là que Bob et la Loge Noire auraient pu être libérés ? D'un autre côté, on sait qu'après le test de la bombe, il était quasi-impossible de faire dévier la machine de guerre américaine et que les bombardements suivants étaient (en gros) inévitables.

A propos de l'océan mauve (et peut-être de la Loge Blanche) : il me semble qu'on voit bien apparaître une boule dorée (qui se déforme) à l'intérieur du champignon atomique, qu'on pénètre dans cette boule et qu'on arrive ensuite au-dessus de l'océan. Je pense qu'il s'agit de l'apparition, dans notre continuum espace-temps, d'un univers parallèle où se situent l'océan et la Loge (parmi beaucoup d'autres choses). Cette apparition provoquée par la bombe est bien sûr momentanée, tout comme l'apparition à un autre niveau du "convenience store" et de la créature maléfique (Experiment) qui vomit tous les œufs. J'ai beaucoup aimé cette façon de faire apparaître d'autres univers à l'intérieur de l'explosion, dans une progression étonnante mais assez magique.
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Dam
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Re: Revue de Presse Française

Post by Dam »

Ludolynch wrote: 03 July 2017, 21:15
Pour ceux qui pensent "The Tree of Life" et à la création de l'univers, il faut quand même noter que Malick n'a en réalité pas montré l'époque la plus ancienne de l'univers (juste après le Big Bang), pour la bonne raison qu'à cette époque, la matière avait une densité bien trop grande pour que la lumière (les photons) puissent circuler. L'univers est resté opaque pendant très longtemps, jusqu'à l'émission du fameux "rayonnement fossile", environ 380 000 ans après l'époque du Big Bang. Et celui-ci n'avait rien d'une explosion au sens "normal", en plus. Bref, aucun rapport avec ce qu'on pourrait voir dans un champignon atomique...
"Voyage of Time" :roll:
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Ludolynch
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Re: Revue de Presse Française

Post by Ludolynch »

Comme je n'ai pas vu "Voyage of Time", j'aurais du mal à savoir ce que Malick a vraiment montré (sur la première phase de l'univers)... Ce serait possible de préciser un peu ce qu'on y voit ?
Si on voit vraiment plein de lumière, des trucs qui explosent et tout ça, je comprends que l'épisode 8 puisse y ressembler.
Mais de toute façon, les images du début de l'univers ne peuvent être que des "licences poétiques"... car il est certain qu'aucune lumière ne pouvait y circuler ! En dehors de sa beauté esthétique, une représentation imagée de cette époque est vouée à l'échec...
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Dam
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Re: Revue de Presse Française

Post by Dam »

Le début de cet univers « connu », oui. Il y en a déjà des prémisses dans « The Tree of Life » (contrairement à tes écrits plus haut...) et Malick avec son équipe (contenant Donald Trumbull) a fait beaucoup d’expérimentations avec des liquides, des mélanges étranges de peintures, fumées, CO2, ralentissement des images, accélérations, etc etc. pour faire ce visuel contrairement à Lynch qui a utilisé des VFX sur ces quelques minutes de la bombe ... les comparaisons tiennent la route même avec « The Tree of Life » ; quant à décrire celles dans « Voyage of Time », il vaut mieux que tu vois ce documentaire (oui c’est un documentaire non pas un film) pour en « juger » par toi-même...

Mais bon... pour moi les comparaisons ne sont juste que « journalistiques », elles n’ont finalement pas lieu d’être (pour mon appréciation) car Lynch et Malick (ou Kubrick etc.) ont fait des œuvres non pas opposées, ou quoique cela soit d’autre, mais complémentaires ; c’est ma vision des « choses ».

Après, dans la mini-séquence de Lynch, il y a cinq bruits qui m’ont interloqués, c’est les 5 « bangs » consécutifs marquant des sortes de déchirures (?).
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Re: Revue de Presse Française

Post by Lynchland »

”Twin Peaks 3”: comment David Lynch a créé un monde total (Vincent Ostria / Les Inrockuptibles)
Dougie Jones est [...] un personnage aussi catatonique que burlesque qui, soit dit en passant, est une figure à la Jacques Tati, égayant par son absurdité des scènes presque banales sur la vie de banlieue ou de bureau, antithèses de la face noire et surnaturelle de la série. D’ailleurs malgré la terreur qui sous-tend constamment Twin Peaks, malgré sa monstruosité récurrente, la saison 3 lui confère un sentiment de familiarité. Après le saut temporel de 26 ans, elle devient un monde proustien à la façon du Temps retrouvé, peuplé de paumés magnifiques et décatis (exemple touchant : l’apparition d’Harry Dean Stanton, en brave tenancier de camping).

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L’ambiance de perte et de mort est nimbée de nostalgie. On pense d’ailleurs aux ringards sublimes de l’œuvre du Finlandais Kaurismäki, à ses écrins merveilleusement poussiéreux aux couleurs passées. D’une certaine façon, Lynch est un Kaurismäki sous acide.
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Roland K. / Lynchland
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Re: Revue de Presse Française

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Twin Peaks The Return, ou la perplexité du moment (Rémy Pignatiello / Retro-HD)
“Jusqu’où Lynch poussera la longueur de son exposition, de sa déconstruction des rebondissements typiques de l’écriture épisodique ? Le pur exercice de style visuel peut-il tenir aussi longtemps ? Les multiples références à la fois internes (on retrouve des liens avec quasiment toute la filmographie de Lynch) et externes (peinture, sculpture, musique, autres films et séries) sont-elles seules capables de maintenir l’intérêt du spectateur ?

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Le voyage est-il pourtant suffisamment intéressant pour que l’on se passe d’une destination ? Ce n’est pas le tout de nous montrer un incalculable nombre de portes fermées comme autant de possibles sans jamais nous montrer si elles ont une serrure.”
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Roland K. / Lynchland
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