Twin Peaks n’est pas Twin Peaks, Jean-Philippe Cazier / Diacritik
Le retour de Twin Peaks ne reproduit pas Twin Peaks, il le répète en y incluant la distance qui nous en sépare.
Ce qui surgit dans ce retour, c’est la différence, le temps, la mort, les changements de chacun et des choses, les visages détruits par le vieillissement, les lieux évanouis depuis lors, le récit achevé qui ne peut que laisser la place à autre chose. Et nous aussi, nous avons vieilli, nous avons changé. Nous aussi nous sommes morts. Le parti pris de David Lynch est de reprendre – comme on parle d’une reprise en couture – Twin Peaks à partir de ce qu’il n’est plus, de ce qu’il ne peut plus être. Twin Peaks a eu lieu, il ne peut être à nouveau sous la forme d’une suite cohérente, fidèle à l’original, à un modèle qui devrait être reproduit. Au contraire, Lynch filme avec le gouffre qui nous sépare du modèle, à l’intérieur de la distance qui nous empêche de le rejoindre et qui, loin de le laisser intact, l’entraine avec elle dans une variation qui fait chuter le modèle de son socle. David Lynch greffe sur « l’original » des fragments, des bouts d’autre chose – il crée un monstre nouveau, un simulacre étrange et inquiétant par lequel Twin Peaks n’est plus ce qu’il était, devenant sa propre défiguration, son propre sourire de créature non identifiée.
Un Essai de Jean-Philippe Cazier publié par Diacritik, parfois un peu obscur mais dont on ne peut que louer la volonté de "penser la série", à un moment où les écrits critiques consacrés à la 3e saison sont relativement rares pour l'instant, dans la presse française comme internationale, plutôt cantonnée aux tristes et plats
recaps.
